Introduction

L’approche de Toyota ne vise pas à améliorer la chaîne de valeur, mais la valeur apportée au client. L’amélioration de la chaîne de valeur est une conséquence, pas le but.

Piliers de l’approche de Toyota

Kaizen : amélioration continue. Continuellement apprendre et maîtriser le changement. Porte sur les personnes, les processus, les produits,… À tout les niveaux de l’entreprise et autant à court, que moyen et long terme.

Respect des personnes : cadre sécurisé et implication de chacun dans la valeur de l’entreprise. La notion inclut également les partenaires, les clients, les communautés où l’entreprise s’implique, etc.

Gemba : tout se passe au cœur de l’action, avec les experts métiers, que ce soit pour comprendre, apprendre, expérimenter, faire évoluer, etc.

Ces piliers reposent sur 5 valeurs fondamentales :

  • Éprouver (confronter au réel, relever les défis, se reflète dans les objectifs)
  • Kaizen (engagement de tous dans l’amélioration continue)
  • Genchi Genbutsu (maîtriser le sujet avant de prendre des décisions, décision entre les mains des sachants)
  • Travail d’équipe et responsabilité (chacun est responsable de son sujet, mais il s’appuie sur l’équipe et le succès revient à l’équipe)
  • Respecter et développer les personnes (créer un environnement d’amélioration continue pour et par le développement des personnes)

Le Lean est une philosophie où sont interconnectés les processus et les personnes investies dans l’amélioration continue de leur méthode de travail, afin d’accroître la valeur livrée aux clients.

Imprévisible et créatif, ou prévisible et sous contrôle

Nous voulons des organisations qui soient adaptables, qui se renouvellent par elles-mêmes, résiliantes, apprenantes et intelligentes, … Tout les attributs d’un organisme vivant, alors que nous traitons nos organisations comme des machines (NB: voir également « Finding Our Way: Leadership for an Uncertain Time » de Margaret J. Weathley).

Les directions d’entreprise tendent à chercher la certitude par le contrôle et l’application d’un plan émis d’en haut sur toute l’organisation. La réalité est le désordre et la surprise. L’idée sera donc d’en tirer parti, au bénéfice de l’entreprise, et pour avancer par amélioration continue : commencer petit, expérimenter, apprendre, puis avancer, et évoluer en continu, par étapes successives.

TPS - Toyota Production System / Thinking Production System

Le modèle de Toyota était destiné à être « vivant » et à évoluer dans le temps, au gré des circonstances. Il repose sur un flux de travail en continue, assurant ainsi la réalisation des autres principes, consistant à accomplir les tâches clés de traitement, d’analyse, etc. au moment opportun (i.e. au plus proche du flux).

Au centre de l’organisation se trouve également une culture d’entreprise de flexibilité, compétence et motivation, par lesquels les personnes peuvent exécuter les principes clés du TPS.

L’ensemble de l’organisation doit permettre de traiter le problème au plus tôt, là où se trouvent les personnes compétentes pour le traiter, pour garantir la qualité du produit fini d’un bout à l’autre de la chaîne. 

Le TPS reprend les bénéfices d’un système organique en se reposant sur un modèle de communication horizontal, sur les compétences au plus proche du besoin, et l’implication de tous dans la décision. L’approche organique s’appuie sur la raison, le progrès, l’implication et l’accompagnement. Par opposition, l’approche mécaniste s’appuie sur la gestion de projet, l’expertise, les règles fixées par la hiérarchie et les outils. Le TPS  tire le bénéfice des deux : la couche administrative de l’organisation contribue à l’implication de tous les membres de l’entreprise dans l’amélioration continue de l’organisation en permettant à chacun d’apporter des idées innovantes (la structure, les outils, etc. tout ce qui le permet). 

Les dirigeants ont besoin de mesurer le bénéfice, et l’approche mécaniste fournit justement des moyens de mesurer le retour sur investissement. Cela permet donc à chacun (y compris au sein de l’équipe) de suivre les progrès de l’organisation. L’approche procédurale du système mécaniste permet également d’initier les membres de l’organisation à l’approche Lean. À noter que Toyota préfère commencer par expérimenter sur une petite unité : la direction ne verra pas de résultat rapidement, mais cela permet aux responsables et aux équipes de s’approprier le modèle, ce qui est nécessaire pour rendre l’approche robuste et introduire l’idée d’amélioration continue. 

L’idée n’est pas de copier trait pour trait le modèle de Toyota, mais d’apprendre des résultats pour trouver ensuite sa propre voie. Le TPS est avant tout un modèle de pensée, dans le sens où chaque membre de l’organisation doit penser à l’organisation, et copier n’est pas réfléchir (Remarque : la pensée s’arrête là où on commence à copier les autres). 

Les piliers du Lean

Toyota a hérité le Lean de son histoire : l’entreprise devait être suffisamment flexible pour adresser des problèmes variés avec des moyens réduits. En plus d’apporter des réponses adaptées aux besoins, elle a également tiré une production de meilleure qualité.

L’approche Lean repose sur l’amélioration continue, grâce à la combinaison de trois éléments :

  1. l’approche scientifique (émettre une hypothèse, tester/expérimenter, analyser les résultats factuels, tirer des conclusions, mettre à jour ses hypothèses) ;
  2. les katas, c’est-à-dire les itérations pour assimiler une méthode jusqu’à sa maîtrise parfaite ;
  3. la supervision d’un maître (sensei) qui va accompagner l’apprentissage en corrigeant les erreurs de l’apprenant.

Le point de départ est, et doit toujours être, le client. Et cela vaut pour des évolutions sur les processus, la méthodologie, et la recherche de bénéfices (Remarque : commerciaux ou autre). De cette façon, nous pouvons arriver à des conclusions qui paraissent contre intuitives à priori (comme mettre en pause la ligne de production pour analyser un problème), mais qui vont aboutir au final à une amélioration significative de la valeur apportée aux clients.

Cette approche structure le modèle du TPS, qui se réparti en quatre piliers :

  • La philosophie : modèle de pensée priorisant le long terme;
  • Les processus : apporter le maximum de valeur à chaque client;
  • Les personnes : respecter, et accompagner dans leur développement;
  • La résolution des problèmes : amélioration continue pour tendre vers un futur idéal.

L’apprentissage se fait non pas d’après l’état à un instant donné, mais sur l’observation de l’évolution du système au fil du temps. La plupart des entreprises découvrant le Lean se contentent de travailler sur leurs processus, en oubliant les trois autres piliers, et l’approche scientifique qui sous-tend l’ensemble. 

L’approche scientifique

L’approche scientifique se retrouve au cœur des piliers, et suit un déroulé strict :

  1. la définition du problème (et de son importance),
  2. l’hypothèse sur le comportement attendu,
  3. la validation de la méthode, ou approche employée pour l’étude, et
  4. la critique de l’approche choisie.

Déclinée dans le Lean, l’approche scientifique est adaptée aux problèmes du quotidien : on remplace la méthode par l’ensemble des solutions que nous voulons confronter et évaluer pour sélectionner la meilleure réponse au problème défini en amont. Elle est ensuite appliquée au quotidien, à tout les niveaux de l’entreprise, par l’accompagnement d’experts et l’amélioration continue.

La mise en pratique implique de reconnaître que notre compréhension du problème est imparfaite et nécessite d’être confrontée à des expérimentations, qui seront eux-mêmes riches d’enseignements pour apprendre et se corriger. Le cerveau primitif est câblé pour tirer rapidement des conclusions d’un aperçu rapide de l’environnement, à la fois par nécessité de contrôle, et pour réagir au quart de tour aux problèmes, tandis que l’approche scientifique nécessite de prendre le temps d’analyser la situation, d’évaluer les hypothèses et de tirer des conclusions reposant sur des faits. C’est l’approche nécessaire à l’évolution.

Cartographier la chaîne de valeur

La démarche repose sur les objectifs de l’entreprise (e.g. adresser un marché plus large, réduire le délai de livraison, etc.). Ensuite, le responsable constitue une équipe d’experts (les personnes travaillant sur la chaîne de valeur) pour définir un futur idéal.

L’idée est ensuite de prendre l’ensemble de la chaîne de valeur (vision d’ensemble) pour en documenter chacune des étapes (mettre en place des métriques) pour isoler les gaspillages (sans valeur ajoutée, comme le fait de stocker). Une fois les gaspillages identifiés, il est possible de commencer à voir comment les traiter.

La suite consistera à expérimenter sur chacune des évolutions envisagées, pour faire évoluer le plan en fonction des résultats observés et ainsi avancer vers l’objectif initial fixé au niveau de l’entreprise.

Note sur l’organisation de Toyota

L’entreprise se trouve à devoir redistribuer ses bénéfices entre trois parties : les investisseurs (actionnaires), les dépenses courantes de l’entreprise (salaires, loyers, tout ce qui est mensualisé et tout ce qui est entretien du matériel, etc.) et les investissements. La particularité de Toyota est de faire passer les salariés, et la sécurité (épargner en prévision des mauvais jours) avant les investisseurs, ce qui fait que l’entreprise à des actions peu rentables. Maintenant, comme elle a une excellente stratégie (notamment sur l’organisation, avec le Lean, sujet du livre), Toyota dégage d’excellents bénéfices, ce qui lui permet de facilement se développer malgré ses priorités. D’ailleurs placer l’humain en tête de ses priorités se traduit par deux bénéfices : d’une part, les salariés sont formés, accompagnés et impliqués dans leur entreprise, et d’autre part, l’entreprise cherche la qualité pour ses clients, ce qui se retrouve dans ses résultats (un client satisfait revient et recommande).

Enfin, Toyota va jusqu’à aider ses concurrents en difficulté, en partant de l’importance d’un élément clé du capitalisme : la compétition. Celle-ci stimule l’innovation et favorise les clients, qui peuvent ainsi plus facilement trouver le produit qui leur convient le mieux. 

Remarque : application du Lean au développement logiciel

Cela se traduit par l’implication des clients à chaque étape du processus de développement du produit pour que les retours remontent directement aux développeurs.

  1. S’assurer de l’alignement (de toute l’équipe) sur la vision du produit.
  2. Exploiter le gemba (celui qui fait, le client, est celui qui sait) pour développer une bonne compréhension du client (travail du client, expérience du produit, points de friction à l’usage du produit).
  3. Établir des profils types des utilisateurs et rôles, et prioriser les rôles directement avec les clients.
  4. Élaborer des maquettes, de façon itérative, avec le client, jusqu’à validation du résultat.
  5. Définir le récit utilisateur pour chaque fonctionnalité présentée par les maquettes.
  6. Travail des développeurs en binôme sur un récit spécifique, avec des échanges réguliers avec les clients.
  7. Les développeurs s’appuient sur des tests unitaires pour assurer la qualité du code (comportement attendu).
  8. Quand les développeurs pensent avoir résolu un récit utilisateur, un expert qualité revoit le travail du point de vue utilisateur.
  9. Dès qu’un récit est qualifié, le client teste la fonctionnalité sans documentation, et le récit est validé si leurs critères d’acceptation sont validés.

Nous profiteront également des moyens techniques pour développer une approche expérimentale, de sorte à émettre des hypothèses, tester rapidement auprès d’un grand nombre d’utilisateurs, puis collecter et exploiter les retours pour introduire (ou non) une évolution du produit.

Philosophie

Prioriser la vision à long terme

Toyota part du principe que l’environnement est un système complexe : dynamique et imprévisible. Son organisation repose donc sur des personnes capables de constamment s’adapter sur la base des faits et événements survenant dans l’environnement et dans le système.

Au sein des usines Toyota, les responsables de tous les niveaux partagent constamment la culture de l’entreprise de façon délibérée (partage des histoires de l’entreprise, cohérence des valeurs et principes avec leur comportement, etc.). La culture de Toyota inclut le moyen de s’assurer que les personnes intègrent la culture de l’entreprise.

D’un côté, réaliser une action simple pour obtenir un résultat immédiat est simple. De l’autre côté, avoir une idée claire de la destination est simple, mais le chemin pour y arriver sera bien plus difficile à déterminer. L’idée sera donc de décomposer le futur idéal que nous nous sommes fixé en une série d’étapes plus lisibles, puis de prendre la première action et d’expérimenter pour voir si ça nous permet d’avancer.

Remarque : l’histoire de Toyota montre que le développement du TPS repose sur les valeurs fortes d’engagement, de rigueur, d’apprentissage par l’expérimentation, etc. des fondateurs de l’entreprise. Et c’est par le partage de ces valeurs, que le TPS a pu se développer et fonctionner.

Processus

Les processus doivent être spécifiques à la situation, et capable d’évoluer dans le temps. Pour cela, ils doivent faire l’objet d’expérimentation et être évalués, de sorte à pouvoir aborder les problèmes suivant la démarche scientifique.

Flux continu

Le flux continu doit faire émerger le problème de sorte à le traiter au plus tôt, tout en permettant aux membres de l’équipe d’en tirer les enseignements. Le but est d’acheminer la valeur au client en continu, comme un cours d’eau, et les gaspillages sont les obstacles à ce flux continu. Obstacles qu’il faut éliminer : en flux continu, les problèmes vont immédiatement bloquer le flot, forçant l’équipe à les traiter immédiatement (suivant l’approche Kaizen).

Lorsque nous partons d’une organisation reposant sur des inventaires, il vaut mieux éviter de passer du jour au lendemain en flux continu, car d’un coup, les imperfections des différentes étapes du processus vont s’additionner, et faire chuter la production… au détriment du client. Le changement doit être opéré étape par étape, pour maintenir, puis accroître progressivement la production.

Travail de connaissance : des équipes d’ingénieurs collaborent pour concevoir un produit, physique ou non, nécessitant de traiter de l’information pour prendre des décision (comment mesurer leur impact sur le produit), expérimenter et analyser pour étayer leurs décisions.

Le flux continu implique de faire travailler au sein d’une même équipe chaque métier intervenant sur la chaîne de valeur, de sorte qu’elle produise une unité de valeur à la fois, plutôt que de traiter des lots. L’avantage majeur est d’identifier au plus tôt un problème survenant sur la chaîne de valeur, sans bloquer tout l’ensemble trop longtemps, et avant que trop d’unités ne soient affectées. Cette approche permet également de livrer la première unité de valeur plus vite (dans le traitement par lot, il faut attendre l’ensemble du lot). Chaque équipe doit ensuite trouver sa cadence de travail pour être capable de répondre aux besoins du client, avec les moyens disponibles. Remarque : principe du Kanban.

En produisant une unité à la fois :

  • Chaque membre de l’équipe est responsable de la qualité du produit (chacun inspecte le travail de l’étape précédente) ;
  • Il est possible de réajuster la solution par rapport au besoin du client à chaque fois qu’une unité de valeur est produite ;
  • On élimine le gaspillage de temps (attentes) et d’espace (plus de stock) ;
  • Les membres de l’équipe voient la valeur ajoutée par leur travail beaucoup plus vite ;
  • Les économies peuvent être réinvestis ailleurs ;
  • L’implication de chacun dans la détection des problèmes, et le fait d’en voir rapidement les bénéfices permet de les encourager à développer des solutions créatives.

Dans la mise en place du flux continue, éliminer le stockage entre les étapes du processus, réduire au minimum le travail en cours, et réduire les distances ne représentent que la première étape. Elle va mettre en évidence les vrais problèmes, sur lesquels l’équipe devra travailler en amélioration continue, pour voir les réels bénéfices de la nouvelle organisation.

Le but n’est pas d’éliminer tout les intermédiaires entre les différents processus jusqu’à avoir une chaîne continue,

de bout en bout de la chaîne de valeur. C’est un but virtuellement impossible à atteindre. Par contre, c’est une vision vers laquelle l’équipe doit tendre : elle va identifier les problèmes qui empêchent d’avoir une chaîne de valeur parfaitement fluide, et les résoudre. Et chaque résolution améliore la chaîne, permet de révéler de nouveaux problèmes et continuer d’améliorer le flot itérativement.

Flux tiré

Comparaison avec le flux poussé

Pile de travail

Le flux poussé se traduit par toujours du travail sur la pile, de sorte à toujours avoir de la marge si jamais il y a du moue en amont du flux … Mais l’avance risque de s’accumuler, s’il y a du moue en aval, et ce qui a été préparé d’avance risque de devenir obsolète.

Avec le flux tiré, ce sont les équipes en aval qui ont de l’avance. Du coup, ils peuvent se retrouver desœuvrées s’il y a du moue en amont … Mais avec une stratégie claire et une organisation adaptée, ils peuvent utiliser ce temps pour améliorer leur produit et leur organisation, tel que vu au chapitre précédent. C’est précisément l’intérêt : s’arrêter pour traiter les problèmes qu’on a identifié.

Gestion de stock

Un système en flux poussé se base sur des estimations sur un futur inconnu, afin de prédire les opportunités et besoins. Ce système va alors aboutir à du stockage en espérant que les produits correspondront aux besoins prévus (en général, ce n’est pas le cas).

L’approche en flux tiré consiste à rester constamment attentif à l’état actuel du besoin, pour alimenter le stock au fur et à mesure (i.e. à chaque fois qu’on entame l’avant-dernier paquet, on repasse commande).

Le but n’est pas de faire disparaître le stock, mais de le réduire à son minimum. Dans l’idéal du modèle de Toyota, le rythme des opérations est cadencé en un seul endroit, lors de la planification de la production de chaque tâche.

Théorie vs pratique

L’approche de Toyota consiste à découper le processus complexe de la chaîne de valeur en un ensemble de processus simples, avec un contrôle distribué sur chacune des parties. Ainsi, chacun est maître et responsable de son flux de travail, de sa planification, de sa boucle de retour court (ce qui implique des échanges avec le client).

L’idéal en flux continu (sans stock) de Toyota n’est pas toujours possible (e.g. quand des pièces du produit nécessitent beaucoup plus d’investissements en temps et/ou argent que d’autres). Dans ces cas-là, la pratique recommande de passer sur un système de flux tiré là où il n’y a pas le choix (Remarque : avec le moins de stock possible, mais selon l’attente qui peut être imposée par l’équipe en amont). L’équipe va alors chercher à éliminer le stock nécessaire au flux tiré pour tendre vers le flux continu, en travaillant sur les processus et outils. 

Remarque :

  • Organisation de la chaîne de valeur : dans l’idéal, la chaîne de valeur est décomposée en segments indépendants, chacun répondant aux commandes d’un client. En bout de chaîne, le client est le client final, tandis que chaque maillon est client du maillon précédent. La chaîne est également découpée de sorte à ce que chaque unité traite une seule demande à la fois. En ajoutant le principe du flux tiré, chaque équipe passe commande des composants nécessaires à son prochain produit, tandis qu’il s’attèle au produit précédent (flux tendu). Dès qu’une équipe n’est pas en mesure d’honorer une demande, le processus s’arrête pour identifier et traiter la cause du blocage.
  • Le kanban est le support par lequel une équipe en aval est en mesure de signifier à une équipe en amont qu’elle a besoin d’alimenter son stock (et ce stock est idéalement limité à une unité). Chaque étiquette du kanban représente l’unité en cours de traitement, qui est déplacée vers l’équipe aval lorsque le travail est réalisé. L’équipe amont se retrouve avec un emplacement libre pour accueillir une nouvelle étiquette, déclenchant la commande pour une nouvelle étiquette à l’équipe qui la précède.

Niveler la charge de travail

Le Lean n’a rien à voir avec la fabrication « à la demande » : celui-ci aboutit à du stockage de composants et ressources, car la demande varie d’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre, et la situation est encore plus complexe lorsqu’on inclut la possibilité de personnaliser le produit (cela accroit la variété de la demande).

L’approche de Toyota visera plutôt à niveler la demande, ce qui implique de ne pas forcément répondre tout de suite, et dans l’ordre, aux demandes des clients. Elle passe par l’élimination de trois catégories d’entraves :

  • Muda : ce qui rallonge le délai de livraison sans apporter de valeur.
  • Mura : les irrégularités dans la demande qui causent des irrégularités dans la charge de travail. 
  • Muri : ce qui amène les personnes et/ou le matériel au-delà de leurs limites, causant des problèmes de sécurité et/ou de qualité (le pire restant l’impact humain).

« Mura » et « Muri » peuvent causer in fine « Muda ».

Parfois, il vaut mieux garder un peu de stock sur une partie de la chaîne de valeur, pour éviter d’en accumuler plus à d’autres endroits, ou de créer d’autres irrégularités dans le flot. C’est par exemple le cas pour les ressources ou produits dépendant d’événements saisonniers. Le processus doit d’ailleurs prendre en compte l’environnement extérieur.

L’approche Lean visera à linéariser la charge de travail (« Heijunka ») de sorte à éliminer le Muri et le Muda, avant de s’atteler au Muda. Pour cela, le Lean reprend exactement le principe de la fable de La Fontaine : la tortue avance lentement, régulièrement, et termine la course avant le lapin, qui va très vite, mais s’arrête régulièrement. La principale différence avec la fable, c’est qu’ici, le lapin s’arrête faute de travail.

Processus standardisés

Les processus standardisés sont à la base de l’amélioration continue. Le standard amène les acteurs de la chaîne de valeur à parler un langage commun, assurant que tous se comprennent. Le principe se base sur l’idée que nous apprenions par la pratique, et sur le fait que les processus standardisés sont élaborés avec les personnes sur le terrain.

Définition des standards

  • Takt Time : la cadence de travail nécessaire pour suivre la demande.
  • La séquence de travail à réaliser.
  • L’inventaire nécessaire pour réaliser ce travail.
  • Le travail standardisé sera la combinaison adaptée de personnes, matériel et équipement selon l’état de l’art à l’instant donné.

Il existe d’autres processus de spécification techniques ou fonctionnelles, de sécurité, de qualité, etc. 

Des standards spécifiques sont conçus par des personnes expertes (e.g. experts sécurité pour les règles de sécurité), et ces standards servent de cadre aux standards que l’équipe va élaborer pour ses besoins spécifiques. Et si le cadre nécessite des évolutions, l’équipe travaille avec les experts pour trouver le bon compromis.

Dans l’approche de Toyota, le standard sert de point de repère : lorsqu’un problème se produit s’il a été suivi à la lettre (vérification), alors nous allons examiner le processus, expérimenter, et le faire évoluer. Cela suppose donc qu’un standard était établi, pratiqué, et appliqué à la lettre, sans quoi il n’est pas possible de savoir s’il convient ou s’il doit évoluer.

Une fois le standard établi, les personnes concernées dans l’équipe vont le pratiquer à la façon d’un kata, en répétant jusqu’à maîtriser le processus et qu’il devienne naturel. La prise en main du processus est ici facilité, car ces personnes ont été acteur dans l’élaboration du processus.

Le processus d’apprentissage chez Toyota consiste à prendre une étape spécifique de la tâche, à en faire la démonstration à l’apprenant, puis le laisser expérimenter, et le corriger progressivement jusqu’à ce qu’il maîtrise cette tâche, avant de passer à la suivante. Le processus peut durer jusqu’à 15 jours, pour la maîtrise d’un travail dont l’exécution n’est que de quelques minutes.

Chez Toyota, lorsqu’il s’agit de lancer un nouveau produit, une équipe pilote, constituée des différents métiers nécessaires à ce produit, est formée autour des concepteurs du produit. Cette équipe apporte l’expertise métier, et aide à établir les processus de base. Le plus important n’est pas l’élaboration des processus, mais d’impliquer le plus tôt les membres du groupe, de sorte à ce qu’ils s’approprient les principes via leur élaboration et par leur pratique. 

Gestion des standards

L’approche de Toyota vise à faire de la bureaucratie le support de l’entreprise, qui va aider les membres de l’entreprise, alors partie prenante, à élaborer les règles, bonnes pratiques et processus permettant d’améliorer continuellement le fonctionnement de leur activité. À l’opposé, le Taylorisme se repose sur des experts définissant les règles, une hiérarchie en charge de leur application, et des employés simples exécutant. Le modèle de Taylor est rigide et peine à s’adapter à un contexte de changement rapide, là où l’approche de Toyota, organique, est souple et s’adapte continuellement au changement.

Pour que l’adaptation soit la plus efficace, il faut que la gestion des processus soit délocalisée au niveau des équipes. La direction donne alors un cadre et forme des accompagnants capable d’expliquer les principes généraux d’élimination du gaspillage, d’amélioration continue, etc. que les équipes pourront exploiter pour faire évoluer leurs processus.

Le standard ne doit pas devenir un cadre rigide, limitant la créativité et l’innovation, mais au contraire un objectif stimulant l’implication de toute l’équipe. Il s’agit de trouver un équilibre entre un plan suffisamment clair pour guider, tout en restant suffisamment flexible pour apporter la souplesse adéquate au métier des membres de l’entreprise. L’implication des membres des équipes permet à la fois de tirer bénéfice de leur expertise et de favoriser leur adhésion au résultat du fait de leur implication.

Le cycle complet de standardisation

Dans l’idée, l’élaboration du standard commence par

  1. la mise à l’épreuve du fonctionnement actuel, par
  2. la pratique et le développement d’une parfaite maîtrise du processus (act) ;
  3. ceci amène à identifier les limites, nécessitant donc de
  4. planifier des changements en vue de leur rectification (plan), pour
  5. les appliquer (do),
  6. les expérimenter (check), et enfin
  7. réitérer (act).

Et ainsi de suite.

Gestion de la qualité

Conception orientée qualité

L’équipe doit prendre l’habitude de cesser toute activité dès qu’elle identifie le moindre problème susceptible d’affecter la qualité de son produit pour le traiter et le résoudre, car ce problème continuera d’impacter l’équipe et son produit, voire d’empirer avec le temps.

Identifier un problème repose sur le processus standard : dès qu’un écart est identifié, il doit être analysé et traité (Jidoka). Cela peut aller jusqu’à des mécanismes automatisés provoquant la coupure du processus et forçant l’arrêt de la chaîne jusqu’à résolution du problème. Et chaque membre de l’équipe, depuis sa position, est investi de la responsabilité d’alerter sur le moindre problème qu’il identifie. Cela peut concerner un écart de qualité ou un dysfonctionnement de la chaîne de production. Le membre de l’équipe est également responsable de la qualité du travail des personnes passées avant lui sur le produit.

Les systèmes en flux continu et/ou flux tiré sont également très sensibles aux contretemps sur la chaîne, car il n’est pas possible de jouer sur du stock. Ce fait est utilisé pour forcer l’équipe a traiter le problème dès qu’il se produit. Néanmoins l’intégralité de la chaîne de production n’est pas d’un seul tenant, mais des zones tampons permettent d’interrompre le travail sur un segment donné sans tout arrêter au moindre doute. Cela permet de traiter les problèmes ponctuels sans avoir la pression de l’arrêt complet de la chaîne sur les épaules.

L’œil extérieur du responsable permet d’aider l’équipe à identifier les problèmes sur la chaîne de valeur sous la responsabilité de l’équipe. Le responsable est informé à chaque fois qu’une alerte remonte, et doit déterminer si elle mérite d’arrêter la chaîne immédiatement, s’il est possible d’attendre la fin de traitement du produit en cours, ou bien de traiter le problème en parallèle. Il agira également comme facilitateur pour aider les membres de l’équipe à progresser dans leur maîtrise du processus, et dans leur capacité à détecter et remonter les alertes.

Le client est le dernier et ultime garant de la qualité : obtenir ses retours aussi rapidement que possible sur l’adéquation entre la solution et son besoin, et exploiter ces retours directement sur la chaîne de valeur, est un excellent moyen de garantir la qualité du produit.

Contrôle visuel

Le contrôle visuel facilite la prise de décision et la résolution des problèmes. La vue joue un rôle primordial dans la compréhension : si le texte fournit les détails, les images permettent d’assimiler l’essentiel. Toyota a choisi de tirer parti de ce fait pour développer sa gestion de la qualité.

Les 5 règles de base pour garder l’espace propre et l’information facile d’accès permettent de contrôler le gâchis en le mettant en évidence dès qu’il apparaît, et ainsi assurer la qualité en continue. 

  1. Classer : garder seulement le nécessaire. 
  2. Ordonner : chaque chose à sa place.
  3. Clarifier : contribue à l’inspection en mettant en évidence ce qui n’est pas clair ou compréhensible.
  4. Normaliser : processus et suivi des premières règles.
  5. Continuité : maintenir et continuellement améliorer la qualité d’organisation de l’espace.

Le respect de ces règles (surtout les trois premières) est suivi et contrôlé régulièrement. Suivant la maturité de l’équipe, soit le contrôle est assuré par le responsable, soit directement par l’équipe, l’objectif étant que celle-ci soit parfaitement autonome (chacun est responsable de son périmètre).

Ces règles permettent la mise en évidence des entraves à l’amélioration continue de l’organisation. Elles nécessitent donc déjà d’appliquer les autres processus d’amélioration continue du Lean (tel que le flux continu).

À plus haut niveau, les responsables des différents services maintiennent des tableaux d’indicateurs permettant de facilement suivre (toujours de façon visuelle) et traquer l’écart avec les objectifs fixés, et de coordonner la collaboration entre les équipes dans le suivi des objectifs communs.

La technologie supporte les personnes et les processus

Quelque soient les outils mis en place pour lui faciliter le travail, en bout de chaîne, la décision revient à un être humain. L’adoption des outils doit passer par leur adaptation à l’organisation de l’entreprise. Autrement dit, nous devons d’abord identifier le besoin, et ensuite chercher la solution à ce besoin.

L’outil permet d’améliorer l’acquisition de l’information, mais le traitement et l’exploitation de cette information pour en tirer les améliorations, sur l’organisation de l’entreprise et de l’équipe, doit rester entre les mains d’une personne.

Si personne n’est impliqué dans l’exécution d’un processus, il n’est plus possible d’impliquer d’acteur (kaizen) et de l’améliorer par l’expérimentation. Des limitations peuvent passer sous les radars et influencer l’ensemble de l’organisation.

L’automatisation ne peut arriver qu’une fois le processus parfaitement maîtrisé. Il ne doit concerner que des tâches qui n’affectent pas la forme du produit (e.g. déplacement, gestion du stock, etc.). Celles-ci ne peuvent être concernées par de l’automatisation que si les membres de l’équipe sont capables de garder la main dessus et continuer de l’améliorer par la pratique (e.g. sur une chaîne de production automatisée, avoir un double où tout est manuel, comme support d’apprentissage et d’étude).

Les technologies peuvent également contribuer dans la mise en œuvre du Lean, mais uniquement sur la remontée d’alerte : leur traitement doit absolument passer par les capacités personnelles à résoudre les problèmes (pour tirer partie de l’expertise et de la créativité des membres de l’équipe). La remontée des métriques doit être pertinente, précise, et exploitée pour assurer l’amélioration continue de l’équipe.

Les nouvelles technologies en particulier doivent être combinées avec la pratique et l’exercice régulier. Elles ne doivent pas remplacer l’apprentissage et les expérimentations manuelles. D’autre part, l’expertise sur les technologies déployées pour supporter doit être au sein de l’équipe (ou à proximité) : elle ne doit pas dépendre d’un tiers hors de l’entreprise.

Bien que les technologies ne visent pas à remplacer et/ou contrôler les personnes, il est inévitable qu’elles vont entraîner un changement dans les compétences des membres de l’équipe, et dans l’approche de leur travail. Mais ils doivent conserver, et continuer de développer, leur compréhension de leur produit et des processus nécessaires à son développement.

Personnes

Dans l’approche de Toyota, les responsables vont accompagner les personnes à chaque itération (gemba, là où le travail est fait), pour les aider à tirer le meilleur bénéfice de l’expérience acquise, et tirer profit de la répétition pour intégrer les nouvelles habitudes.

Développement de l’expertise et de l’autorité

Le bon dirigeant selon Toyota

Dans son essai « Good to Great », Jim Collins décrit des meneurs de niveau 4 et 5 comme suit. 

  • Les meneurs de niveau 4 sont individualistes et charismatiques. Ils établissent une vision ambitieuse et recrutent d’autres meneurs capables de réaliser cette vision (ou bien ils coulent). Cependant, ils ne sont pas attachés à leur entreprise, et visent généralement des buts à court ou moyen terme, par lesquels ils espèrent préparer leur prochaine ambition personnelle. Factuellement, ils mènent leur entreprise à la médiocrité, ou bien au sommet, mais temporairement.
  • Les meneurs de niveau 5 sont beaucoup plus discrets, impliqués dans leur entreprise, et prêt à prendre les décisions difficiles pour favoriser une vision à long terme, et assument personnellement les conséquences de leurs choix. Ils sont soit fondateurs de leur entreprise, soit ils ont grandi au sein de celle-ci, avant d’y assumer plus de responsabilités.

Des responsables efficaces sont des personnes qui maîtrisent le métier, appliquent la philosophie de l’entreprise, et l’enseignent aux autres.

La culture est constituée de l’ensemble des expériences vécues conjointement par les membres du groupe, au fil des épreuves traversées ensemble, pour s’adapter à son environnement et pour l’intégration de ses membres, et des leçons qu’ils en ont tirés.

Développer une véritable culture, c’est-à-dire partagée par tous, est donc un processus pouvant prendre de nombreuses années, impliquant chaque membre du groupe, dans lequel les anciens transmettent les acquis aux nouveaux. Cela implique que les nouveaux membres du groupe respectent les anciens, et tous respectent les acquis du groupe. Au cours de leur apprentissage, supervisé par les anciens, les nouveaux membres du groupe vont vivre de nouvelles expériences, dont ils vont tirer de nouvelles leçons, qui viendront à leur tour enrichir les acquis du groupe.

Les responsables apportent leur personnalité propre, mais respectent et transmettent toujours la philosophie de l’entreprise.

Tous les grands meneurs de Toyota partagent un certain nombre de traits en commun.

  • Centré sur des objectifs à long terme au bénéfice de la société.
  • Suivre et démontrer les préceptes de Toyota.
  • Revenir au lieu de l’action, là où s’exécute le cœur du métier de leur entité, et mettre la main à la pâte.
  • Voir les problèmes comme des sources d’enseignement et de progrès pour les personnes, les équipes, et le produit.

Genchi Benbutsu

Les cadres et dirigeants chez Toyota sont des anciens de la compagnie, empreints de la culture de l’entreprise, et engagés à la perpétuer sur toute leur carrière au sein de l’entreprise. Ils sont tous passés par l’enseignement et soumis aux épreuves de leurs propres responsables. Par celles-ci, ils ont pu grandir dans leur maîtrise du métier et de la culture de l’entreprise, et faire leurs preuves dans leur capacité à prendre des responsabilités. C’est l’application du principe de genchi genbutsu.

Le genchi genbutsu commence par l’observation attentive des moindres détails : ambiance, odeurs, mouvements, puis prendre le temps d’analyser et évaluer tout ce qui a été appris de ses propres observations. La prise de décision doit reposer sur des faits, et la connaissance des faits vient de leur observation et analyse. Dans la pratique, le bon sens va nous pousser à émettre un avis. Celui-ci doit être traité comme une hypothèse devant être confronté à l’analyse des faits observés personnellement. Le genchi genbutsu pousse également à apprendre à tirer profit de tout ce que peuvent nous apporter les autres en rapport avec le sujet de l’observation.

L’apprentissage reposant sur la démarche expérimentale, elle suppose d’accepter l’échec de l’apprenant comme source de leçons, avec pour unique condition d’expérimenter autant que possible et de tirer les leçons de chaque échec.

Le fruit de l’apprentissage doit ensuite être partagé avec tous ceux qui peuvent en bénéficier. Les meneurs portent et partagent la culture de l’entreprise avec tous ses membres. Tous les membres de l’entreprise partagent la même implication dans le développement de la culture de l’entreprise.

Le genchi genbutsu peut également s’appliquer à une fonction au sein de l’organisation. La démarche consistera alors à connaître qui est le client du service rendu (Remarque : « le client est roi en bon français), de comprendre et maîtriser précisément en quoi consiste son problème en pratiquant soi-même l’activité du client, pour ensuite identifier sur quelle solution travailler. Analyse des faits, étude du besoin, et réflexion sur son service sont alors pratiqués en continue selon l’approche kaizen, de sorte à constamment améliorer la qualité du service rendu.

Dans la démarche hourensu, consistant à partager des rapports quotidiens sur les moindres problèmes rencontrés dans son travail, le genchi genbutsu se traduit par l’analyse approfondi des rapports par des pairs plus expérimentés et les responsables afin d’apporter une aide ou une piste pour résoudre le problème.

Centrés sur les clients

Toyota place le client au centre de ses préoccupations : l’entreprise cherche à créer un lien privilégié, et personnel, avec ses clients, de sorte à garantir avant tout un service de premier ordre et en même temps assurer la fidélité du client. Se mettre dans la peau du client signifie également utiliser ses propres produits comme le font les clients. Les objectifs des responsables et cadres sont liés à la valeur apportée aux clients, et plus précisément aux bénéfices qu’ils tirent du produit. La mesure des objectifs se base sur une excellente analyse et compréhension des clients et de leurs besoins, et les éléments factuels qui en ressortent.

Développer les personnes et les équipes

Le respect dans le cadre de l’entreprise se traduit par la confiance envers les personnes et leur efficacité à réaliser leur travail. Cela se traduit par une attitude de service de la part des responsables à l’égard de leurs employés — ceux au travers de qui la valeur est créée — dans le sens où ils les poussent à développer leurs compétences.

Les employés sont les personnes au plus proche du lieu de l’action (gemba), de la création de valeur, et bien qu’ils n’aient pas la vision d’ensemble, ils ont la connaissance par la pratique des processus opérationnels. Ils sont donc au cœur de la démarche d’observation, d’analyse et d’expérimentation.

Les critères pour rejoindre Toyota ne sont pas les compétences techniques, mais l’esprit critique, la capacité à résoudre les problèmes, et le travail en équipe. Présenté autrement, Toyota cherche des personnes prêtes à continuellement apprendre, quel que soit leur niveau d’étude, d’expérience, ou leur âge.

L’équipe est le cadre qui va favoriser le développement du potentiel individuel par l’exigence et le respect mutuel. Chaque membre d’équipe est responsable de remonter et contribuer à la résolution des problèmes. Le meneur de l’équipe se distingue par son expérience accrue dans les principes Lean : il est là pour accompagner le reste de l’équipe dans leur développement et pour s’assurer du respect des standards, sans pour autant être investi d’une autorité particulière. Les équipes sont emmenées par des responsables assurant la coordination des équipes entre elles. Ces responsables assument également des fonctions habituellement déléguées aux ressources humaines ou l’assurance qualité, tout en restant apte à suivre, voir participer, au travail quotidien des équipes.

L’approche Lean amène à réduire le nombre de couches administratives dans la hiérarchie. Le ratio idéal est d’un responsable pour quatre personnes ou équipes sous sa responsabilité. Les responsables ne sont pas là pour gérer les problèmes, mais pour fournir une vision et une stratégie claire, mener par l’exemple et accompagner les équipes dans leur croissance.

Développement de l’équipe : reprendre le principe de Ken Blanchard (cf. « One minute manager »)… mais étalé sur le temps nécessaire (potentiellement plusieurs années). Le but est de créer un esprit d’équipe et d’appartenance au groupe, à l’instar du sentiment d’appartenance créé au travers du système scolaire japonais, en même temps que d’enseigner et transmettre la culture de l’entreprise.

  1. Orientation/Formation : des cadres formées à la culture accompagnent l’équipe de façon directive afin d’enseigner les bonnes pratiques et les outils.
  2. Insatisfaction/Réflexion : l’approche reste directive, mais l’équipe forme du lien social. Les cadres commencent également à identifier de potentiels meneurs et responsables.
  3. Intégration/Normalisation : les rôles au sein de l’équipe, les personnes s’approprient les processus et croissent en autonomie ; les personnes identifiées comme meneur et responsable croissent en responsabilité.
  4. Production : le groupe est maintenant pleinement autonome et chacun assume son rôle, collabore avec les autres, et est pleinement productif.

Chez Toyota, les cadres intermédiaires voient leur temps partagés principalement entre le gemba et le terrain (auprès des équipes, pour les accompagner). Arrive ensuite la collaboration avec les autres cadres intermédiaires.

Exemples de supports visuels : des tableaux permettent aux responsables d’équipe et aux cadres de visualiser les problèmes et leur statut. Le cadre dispose quotidiennement du support d’experts sur les différents métiers dont ses équipes peuvent avoir besoin, spécifiquement pour traiter les problèmes qui lui sont remontés par les responsables d’équipe (càd les problèmes que les responsables n’ont pas pu traiter eux-mêmes).

Transmission de la culture par l’accompagnement

  1. Introduire la culture et s’assurer qu’elle soit assimilée par tous.
  2. Mise en pratique à tous les niveaux de l’organisation dans le même temps : proposer des formations et accompagnements à chacun en fonction de son rôle dans l’organisation (équipier, responsable d’équipe, cadre, dirigeant).
  3. Introduire des outils et supports visuels.
  4. Faire évoluer et accompagner le changement tout au long du processus. 

L’accompagnement est de loin la phase la plus longue. Là où beaucoup de programmes consistent à livrer une formation condensée sur une semaine, la formation Lean va s’étaler sur plusieurs semaines de mise en pratique, d’expérimentation, etc. L’objectif est de faire monter en compétence en priorité les membres de l’entreprise, et certains peuvent eux-mêmes développer les compétences nécessaires pour l’accompagnement de leurs collègues, ou pour prendre de nouvelles responsabilités.

Confiance

La confiance est la base du respect, de la sûreté, et de la sécurité. Les relations saines sont la base de la confiance.

Dans le cas où la régularité de la charge de travail ne peut être garanti (ou la régularité de son évolution), l’approche de Toyota amène à chercher des solutions apportant de la flexibilité, en fonction des contraintes légales (locales), et défini de telle sorte que les employés conservent leur confiance dans leur équipe et l’entreprise.

La confiance entraîne entre autres le respect de la philosophie de l’entreprise et l’implication dans la démarche d’amélioration continue.

L’implication dans la chaîne de valeur

Du point de vue des clients, les partenaires s’assimilent à l’entreprise elle-même. Leur image doit donc être alignée, ce qui est possible si elle est alignée sur leur valeurs et leur culture. Il s’agit d’impliquer les membres de l’entreprise, mais aussi tout les partenaires intervenant sur la chaîne de valeur de l’entreprise (fournisseurs, sous-traitants, revendeurs, etc.).

L’approche de Toyota vise à identifier au plus tôt le problème, et à en retrouver l’origine. Pour cela, elle consiste à mesurer la moindre déviation par rapport aux standards pour réagir au plus tôt et isoler rapidement la racine du problème. Un traitement similaire à celui accordé aux équipes de l’entreprise doit être accordé aux partenaires. Cela implique confiance, accompagnement de la croissance, entraide, etc.

L’entreprise doit être un modèle aux yeux de ses partenaires, et leur montrer du respect (par un traitement équitable et la transmission de la culture), et faire preuve d’humilité, avant de vouloir transmettre sa propre philosophie. En contrepartie, elle leur soumet des défis en fonction de ses propres prix (basés sur le marché) et de la marge qu’elle vise. Le degré de proximité avec les partenaires dépend de l’importance que revêt ce partenaire pour le produit. L’entreprise cherchera à capitaliser sur ses relations existantes, plutôt qu’à chercher à optimiser ses coûts en changeant de partenariat à la moindre opportunité. Enfin, l’entreprise ne se contente pas d’apporter sa culture, mais apprend également de ses partenaires pour améliorer son organisation (soit des retours d’expérience, soit de nouvelles pratiques).

Lorsque l’entreprise perd une compétence nécessaire à un travail donné, un élément important est de s’assurer que la connaissance est documentée, que cette documentation soit accessible, et d’avoir des personnes et/ou partenaires aptes à reprendre le travail. Cela implique que ce domaine de compétence est maîtrisé dans l’entreprise, avant de pouvoir redistribuer le travail.

Nous pouvons constituer une pyramide des besoins pour la chaîne de valeur, de la même façon que Maslow pour les besoins individuels, dans le sens où le niveau précédent doit être garanti, pour pouvoir viser le suivant :

  1. Relations commerciales saines et respectueuses 
  2. Processus stables et fiables
  3. Expression claire des attentes 
  4. Système supportant la chaîne de valeur
  5. Apprentissage au niveau de l’entreprise

Résolution des problèmes

Observer en profondeur et apprendre par itération

Jusqu’à la fin du XXè siècle, une entreprise pouvait monter son enseigne, élaborer un produit ou service dans le temps et capitaliser sur l’avantage compétitif qu’elle en tire pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, l’entreprise doit constamment s’adapter et innover, et donc rester flexible pour se maintenir dans la course. L’entreprise doit donc constamment apprendre, et donc développer une méthode d’apprentissage.

Le principe de base, derrière la méthode PDCA, est d’expérimenter chaque solution avant d’émettre la moindre opinion : s’appuyer sur des faits (gemba : au plus proche des faits), non un ressenti, et rien n’est pris pour acquis. C’est la base de la démarche scientifique et de la méthode d’apprentissage.

  1. Sur la base d’une direction ou défi ambitieux (choisie ou fixée par le responsable),
  2. Évaluer la situation actuelle,
  3. Afin de définir le prochain jalon (cible, métrique du progrès vers la cible ou condition de réussite, facteurs), et enfin
  4. Expérimenter sur chaque facteur (si possible individuellement) susceptible de mener à l’objectif. 

L’ensemble de la démarche se déroule en collaboration avec l’équipe et les experts, au plus proche du cœur du métier (gemba, tout le temps, tout du long). Nous devons également régulièrement informer les responsables des expérimentations et résultats obtenus. Nous émettons une hypothèse, expérimentons, et comparons l’hypothèse avec les résultats afin de valider ou invalider l’hypothèse, et d’en tirer des leçons. L’hypothèse doit impérativement s’appuyer sur l’observation et la pratique. Le but ici est de retrouver la cause d’origine, cachée par la source du problème que nous avons identifié.

L’hypothèse doit se traduire par une proposition qui sera ensuite expérimentée avec l’équipe et les parties concernées. Une fois la nouvelle (ou évolution de) pratique validée, elle devient le standard, qui va être pratiquée (kata). Et dès qu’un souci est relevé, nous revenons dans le cycle d’amélioration continue.

  1. Identifier et caractériser le problème.
  2. S’approprier l’état actuel. 
  3. Définir un état idéal à viser (à ce point, la distance entre l’état actuel et la destination est trop large pour être traitée directement).
  4. Découper le problème, 
  5. Prioriser les parties,
  6. Sélectionner la première partie du problème par laquelle commencer.
  7. Définir un objectif ambitieux.
  8. Identifier la source du problème par l’analyse approfondie de la situation.
  9. Concevoir des contre-mesures.
  10. Implémenter une première version et expérimenter (penser à des moyens de sonder la solution et mesurer la valeur apportée).
  11. Récolter des retours, autant des parties concernées que par l’analyse des données.
  12. Mesurer et analyser les retours obtenus, pour être capable d’apprendre autant des réussites que des échecs (objectif et factuel).
  13. Capitaliser sur les acquis en élaborant et intégrant de nouveaux processus basés sur les bons résultats.
  14. S’assurer de la mise en œuvre et de la pratique des nouveaux processus.
  15. Itérer.

La démarche scientifique est un mode de fonctionnement (lent et délibéré) à l’opposé du fonctionnement hérité de l’évolution (rapide et intuitif). De la même façon que le « système 1 » est le fruit de générations d’apprentissage, le « système 2 » du mode de réflexion scientifique nécessite beaucoup de pratique (kata, apprentissage) pour devenir une démarche naturelle (voir « Système 1 / Système 2 » de D. Kahneman).

Au niveau de l’entreprise, inciter les collaborateurs à la démarche scientifique passe par la culture, mais également en fournissant accompagnement et outils. L’esprit de la méthode scientifique est intégré dans la culture de l’entreprise, des accompagnants et meneurs sont formés pour la communiquer dans toute l’entreprise, et des outils comme le PDCA ou les katas sont popularisés au sein de l’entreprise et pour rendre l’application de la culture de l’entreprise concrète dans l’esprit des gens.

Les responsables d’équipe sont par défaut en retrait de la chaîne de valeur, pour pouvoir intervenir au plus vite, lorsqu’un problème est remonté, et accompagner les membres de l’équipe dans leur progression (mentorat), mais aussi pour expérimenter dans le but d’améliorer la chaîne de valeur.

Chaque équipe et membre d’équipe dispose également d’opportunités pour s’atteler à un sujet de recherche, soit pour s’engager sur des sujets d’amélioration continue du produit ou autre (kaizen), soit pour travailler sur un potentiel nouveau produit.

Apprendre à développer son esprit scientifique : accompagné d’un coach, se fixer des objectifs ambitieux, définir les hypothèses à évaluer, trouver des idées menant vers l’objectif, et évaluer le résultat de ses expérimentations pour ensuite réévaluer ses idées. Progresser par étape et par la pratique répétitive de la démarche.

Remarque sur la démarche scientifique et l’évolution des pratiques :

  • démontrer les bénéfices par l’expérimentation, puis assimilation par la pratique répétitive, puis évolution par l’analyse constante des retours d’expérience. D’où la nécessité de pratiquer, de répéter, et de permettre de facilement remonter le moindre problème, mais aussi les bénéfices.
  • Daily et rétro/revue : nous avons besoin de nous poser pour prendre du recul, et voir ce qui a pu nous échapper.
  • L’accompagnement est également primordial, car le changement s’oppose naturellement aux facilités qu’apportent les habitudes. Un regard extérieur permet de faire abstraction de ce cadre confortable.
  • Le changement doit également se faire progressivement, itérativement, et s’appuyer sur des objectifs concrets pour voir apparaître des bénéfices concrets et entraîner le changement de mentalité. 

Aligner les objectifs

L’alignement des objectifs à tous les niveaux de l’entreprise, de la direction jusqu’aux équipes, garantit l’alignement de l’ensemble des membres de l’entreprise sur l’amélioration de la qualité des services rendus.

L’approche traditionnelle pour l’application de la stratégie est strictement verticale, au travers d’une vision, déclinée en une succession de missions dont l’accomplissement est traqué par le biais d’objectifs et métriques de performance qui pilotent les initiatives.

L’approche par « hoshin kanri » (politique de déploiement) est à la fois

  • verticale, par la déclinaison des objectifs de l’entreprise à tous les niveaux, jusqu’aux objectifs individuels, et inversement en permettant la contribution aux objectifs du niveau supérieur ; et
  • horizontale, par l’accompagnement des personnes dans la réalisation des objectifs.

Stratégie d’alignement :

  • Développer une vision à long terme (Revue tous les \~10 ans).
  • Formuler une stratégie permettant de rendre la vision concrète.
  • Définir des objectifs commerciaux sur 3\~5 ans.
  • Définir des priorités d’amélioration sur l’année à venir, en rapport avec les objectifs.
  • (Plan) Application verticale et horizontale des priorités.
  • (Do) Expérimentation et développement des compétences aux travers d’itérations courtes (mini PDCA).
  • (Check) Revue des objectifs et accompagnement du processus d’amélioration.
  • (Act) Prise en compte des changements majeurs dans l’environnement (autant interne, qu’externe comme les tendances du marché) en vue de l’actualisation des objectifs.

Beaucoup d’entreprises ont tendance à limiter leur stratégie à des objectifs de vente, de réduction des coûts, et d’amélioration des bénéfices. Une bonne stratégie doit fournir des informations sur les attentes des clients, des points forts et points faibles du produit, etc (Remarque : cf. forces de Porter).

La revue des objectifs se fait au niveau de la direction deux fois par an, et plus fréquemment à tout les niveaux inférieurs de l’organisation, de sorte qu’il n’y a quasiment jamais de surprise lors de la revue bi-annuelle des objectifs (exemple d’exception : la pandémie). L’accompagnement permet d’identifier et de remonter les éventuelles difficultés dans la réalisation des objectifs.

Les décisions relatives à la planification suivent un processus scientifique assez proche de la résolution de problème. 

  1. Comprendre la nature et l’importance du problème.
  2. Comprendre les conditions, le contexte et les causes du problème.
  3. Analyser les différentes alternatives et sélectionner une approche à développer.
  4. Trouver un consensus autour de la solution avec les parties prenantes.
  5. S’assurer de la communication de toutes les infos sur le processus précédent.

Le consensus, avec implication du groupe et approbation de la direction, est l’approche préférée, mais le curseur vers la décision unilatérale de la direction peut s’ajuster en fonction de l’urgence de la décision. Plus la décision est importante, plus l’implication des personnes concernées est importante, mais plus les délais sont courts (ou le choix évident) plus il faudra une décision unilatérale.

La recherche du consensus consiste à creuser autour de la racine du problème pour trouver l’alignement, de base, sur l’origine. Ensuite, il ne s’agit pas d’avoir 100% d’adhésion à la décision prise, mais que toutes les parties prenantes et compétentes aient été consultées et prises en compte, et que tous comprennent pourquoi telle décision a été prise au final.

Le Hoshin Kanri est essentiellement tourné vers la résolution des grands problèmes et la vision de l’entreprise, tandis que le Kaizen permet de lever les petits obstacles du quotidien sur la route pour avancer vers l’objectif du Hoshin Kanri. La combinaison d’un réajustement au quotidien, avec des changements majeurs à grande échelle, permet à la fois d’améliorer la qualité des standards, tout en s’adaptant (rester réactif) à l’évolution du contexte (marché, technologies, etc.). Remarque : c’est tout l’enjeu de trouver le bon équilibre entre les « quick wins » et des opportunités majeurs pour le produit. Les grands enjeux permettent d’orienter la priorisation des opportunités.

Le Hoshin Kanri est  une vision long terme (3\~5 ans) sur la base du marché et de l’environnement, avec une stratégie exprimée au travers d’objectifs clairs, fournissant les leviers sur lesquels il est possible d’agir pour exécuter la stratégie. Chaque objectif est assigné un cadre responsable, qui va le traduire pour chaque équipe, sur la base du modèle : mission, pourquoi, quoi, comment et qui, càd la personne en charge du plan détaillé du Hoshin (avec un suivi des métriques identifiées, généralement sur 1\~3 ans). Un objectif peut concerner la qualité, la sécurité, la performance, … pour l’organisation ou le produit. La personne en charge de la traduction du Hoshin pour le niveau suivant doit trouver des leviers d’actions et objectifs clairs, sur un an, pour les équipes cibles, et efficaces pour réaliser l’objectif du niveau supérieur (passe par du travail collaboratif, au quotidien, et l’accompagnement des équipes autant pour élaborer que pour suivre le plan).

En complément du plan posé par le Hoshin Kanri, les collaborateurs peuvent remonter les difficultés rencontrées sur le terrain (gemba) et bénéficier d’aide pour chercher, expérimenter, et (in)valider des solutions (PDCA) qui vont alors influer l’évaluation des objectifs.

Stratégie forte, grands paliers et petits marches

Une bonne stratégie consiste à se fixer sur une vision à long terme qui soit claire et bien déterminée, partagée par tous, se fixer des jalons permettant d’avancer vers cette vision, et de régulièrement réévaluer ses objectifs en regard de sa vision.

La stratégie d’une entreprise est étroitement lié à ses circonstances et aspirations propres, de sorte qu’il n’y a pas deux entreprises partageant une stratégie identique.

Quelques éléments clés d’une stratégie :

  • Vision pour donner la direction générale
  • Un plan pour accomplir la vision 
  • Les idées générales de produits et services
  • Un marché (ou segment de marché) cible 
  • Le moyen de livrer ses produits et/ou services
  • Les niveaux de service 

Remarque : voir aussi Good Strategy / Bad Strategy de Rumelt.

À la stratégie s’ajoute son exécution. Les deux doivent être correctement élaborés et appliqués, et évoluer selon les démarches d’amélioration continue pour constamment rester pertinents et efficaces.

Face aux changements majeurs sur l’environnement (marché, technologie, etc.), l’approche classique de Toyota (expertise, expérimentation, analyse, etc.) permet d’expérimenter et d’évaluer la situation et les alternatives permettant de répondre au changement. Globalement, le changement majeur entraîne une évolution majeur sur la stratégie (e.g. s’atteler à un nouveau marché), suivi d’une phase d’adaptation par itérations successives de sorte à rester compétitif grâce à une stratégie souple.

La vision doit embrasser des objectifs allant bien au-delà des bénéfices à court terme, et admettre des pertes potentielles sur le court terme pour réaliser la vision à long terme. La vision repose sur des hypothèses basées sur les faits à un instant donné (« informed guessing » en anglais).

Il n’y a pas de modèle unique, et cela dépend de la maturité de l’entreprise, mais lorsque celle-ci est bien établie elle s’orientera vers une répartition où 

  • 70% de ses investissements supporteront l’évolution de ses produits ou services bien établis (court terme),
  • 20% iront dans des initiatives à moyen terme (état de l’art des marchés et innovations),
  • 10% dans les changements majeurs du marché, pour le long terme (e.g. IA, nouvelles sources d’énergie, etc.).

C’est typiquement le modèle d’entreprises comme Google, Toyota, etc.

Dans les années 1980, un modèle permettant de qualifier sa stratégie d’entreprise à vu le jour. Celui-ci met en opposition flexibilité/contrôle sur un premier axe, et interne/externe sur un deuxième axe. D’une part, la flexibilité est un caractère du modèle organique là où le contrôle est un caractère du modèle mécaniste, et d’autres part, on a les combinaisons suivantes :

  • Flexible / interne -> relations humaines 
  • Contrôle / interne -> processus (internes à l’entreprise) 
  • Flexible / externe -> système ouvert (vision tournée vers l’innovation, le partage, la prise de risque,… e.g. Tesla)
  • Contrôle / externe -> objectifs rationnels (marché, compétition, résultats, joue sur l’acquisition plutôt que le partage)

La combinaison idéale de ces quatre axes dépend de l’environnement (marché, culture, etc.) et de la situation (maturité, choix stratégiques,…) de l’entreprise ; quoique Toyota soit développé sur tout ces axes (excepté le système ouvert), ce qui est assez courant pour les entreprises pérennes.

Poser la vision permet de donner la direction. Elle s’appuie forcément sur une intuition sur le futur idéal que nous nous projetons sur le long terme pour notre produit. Mais cette vision donne une référence pour mesurer à quel point chaque jalon intermédiaire — la stratégie sur 1\~3 ans — mènent dans cette direction, et comment lever les obstacles qui se présentent sur la route pour accomplir les objectifs à court terme (6\~12 mois).

Développer sa propre culture d’entreprise

La culture d’une entreprise, c’est l’ensemble des valeurs, croyances et façons de travailler partagées par les membres d’une entreprise. La vision, les missions et l’organisation de l’entreprise constituent la partie visible de la culture, tandis que la façon de penser, les habitudes, les valeurs et croyances partagées constituent la face cachée de cette culture.

Appliquer le Lean, issue de la voie de Toyota, est un processus long vers un objectif que l’entreprise doit se fixer pour sa propre culture. Le long parcours peut être semé d’embûches. L’essentiel est que l’entreprise, de même que chaque collaborateur, apprenne et assimile la culture tout au long de ce parcours. Le Lean repose sur l’adhésion de chacun, et la bonne compréhension des enjeux sur l’entreprise.

Plutôt que de travailler avec une feuille de route détaillée, le Lean nous enjoint de s’appuyer sur les faits, un objectif clair pour la prochaine étape, et une mesure précise de la distance à cet objectif (approche scientifique). Sur cette base, il s’agira de mener des expérimentations et de mesurer à quel point elles nous rapprochent de l’objectif, pour ensuite standardiser les pratiques et appliquer les modifications qui ont porté du fruit.

La culture évoluera ensuite par itération successives, par la répétition, et en se propageant au sein des équipes et tout au long de la chaîne de valeur. Commencer par un pilote, identifier par quelles équipes et/ou quelles parties de la chaîne de valeur commencer, etc. Cela fait également partie du processus d’apprentissage. L’organisation doit ensuite évoluer progressivement au fil des leçons apprises par la pratique. 

L’entreprise et les personnes ont naturellement tendance à revenir à leurs anciennes habitudes. Pour contrer ce phénomène, hormis les changements par étapes, la discipline garantira le progrès. Enfin, le changement doit être ancré en profondeur, avant de se développer au travers de toute l’organisation, car patience et longueur de temps valent mieux que force ni que rage.

Remarques :

  • Est-ce qu’une équipe seule peut adopter le Lean, indépendamment du reste de l’entreprise ? Ce peut être complexe, mais si la gouvernance de l’entreprise reste suffisamment de marge de manœuvre à chaque équipe, et/ou que les équipes sont suffisamment indépendantes les unes des autres dans leurs objectifs et sur leurs produits (dépendances techniques, fonctionnelles, de marché, etc.), … à voir.
  • Les bonus et augmentations ne suffisent pas parce que ce sont des récompenses extrinsèques. Celles-ci doivent être intrinsèques, c’est-à-dire que les collaborateurs doivent voir le bénéfice directement sur leur quotidien et sur la qualité du résultat obtenu (après, un % des bénéfices sera plus pertinent, dans ce sens, tant que le lien avec la valeur ajoutée pour les clients est évident).

Annexe / Outils

Suivi d’action d’apprentissage

Pour le suivi des actions de rétro. 

  • Obstacle
  • Résultat attendu
  • Métrique / Mesure du progrès 
  • Jalons intermédiaires sur le parcours pour faire le point (occasion pour reproduire le même schéma à plus petite échelle)
  • Observations 
  • Qu’est-ce qu’on a appris

Fixer une vision à long terme / idéal, puis un objectif réalisable à court terme pour suivre et mesurer le progrès. Mener une série d’expérimentations, et apprendre des résultats quels changements appliquer sur l’organisation. 

PDCA

Plan -> lister les hypothèses et en cibler une 

Do -> expérimenter sur cette hypothèse 

Check -> collecter les faits et données d’expérimentation 

Act -> ajuster les hypothèses en exploitant les données

Variantes du PDCA

  • Adjust au lieu de Act: adapter les objectifs, le plan, ou le standard, en fonction des résultats dans le but in fine de réaliser la vision.
  • Standardize au lieu de Plan : identifier et évaluer les écarts au standard quotidiennement, et les éliminer pour revenir au standard.

Quelques mots clés à connaître

  • Gemba : lieu de l’action (celui qui fait est celui qui sait).
  • Hansei : état d’esprit, attitude; se poser et réfléchir sur les conséquences de ses actes.
  • Genchi genbutsu : observer, en profondeur, et dans les moindres détails, la situation actuelle, pour bien comprendre, s’approprier et maîtriser une situation.
  • Kata : l’art et la manière, c’est-à-dire la forme (la voie) et la pratique répétitive de chaque mouvement composant la forme pour les assimiler.
  • Jidoka : rendre apparent la qualité (l’état) du produit directement à l’étape où se trouve le produit (préalable au « juste à temps »).
  • Hourensou (rapport d’information quotidien) : partager des rapports clairs, précis et quotidien sur chaque problème rencontré. Ces rapports doivent être consultés et analysés par les pairs et responsables, pour y donner une réponse.
  • Andon : remonter immédiatement tout écart de qualité au point où il est identifié, en s’appuyant sur l’implication de tous (avant une quelconque automatisation), et traiter le problème immédiatement.
  • Obeya (grande pièce dans laquelle les référents remontent les indicateurs clés de leur service) : le contrôle visuel permet de planifier, et contribue à la gestion du projet/produit sur le court, moyen, voir long terme. 
  • « juste à temps » : extraire la bonne information ou fournir la bonne ressource, au bon moment.
  • Standardisation des processus et harmonisation du travail (préalables à l’amélioration continue).
  • Le groupe avant la personne, et prendre ses responsabilités. 
  • Réduire ce qui n’apporte pas de valeur.
    • Gaspillage : surproduction, attente, déplacement inutile, processus de trop/mauvais, surplus de travail en cours, défaut/correction, et gaspiller la créativité.
    • Muda : ce qui prend du temps, mais n’apporte pas de valeur aux clients.
    • Mura : irrégularités de production. 
    • Muri : surcharge des personnes et du matériel.
  • Nemawashi : remonter à, et analyser la racine du problème, afin de créer un consensus, à la fois sur les faits concernant les causes, et à la fois du fait que toutes les parties prenantes aient été écoutées.
  • Heijunka : linéariser la charge de travail (pour éliminer le Mura et le Muri).
  • Chaque organisation développe sa propre stratégie.
  • Autonomie : se reposer sur ses propres moyens financiers, et maîtriser toute sa chaîne de valeur.

Synthèse des 14 principes

Philosophie : modèle de pensée centré sur une vision long-terme.

Processus :

  • Flux continu 
  • Flux tiré 
  • Nivellement 
  • Alignement sur un standard 
  • La qualité à la base de la conception 
  • Contrôle de visu
  • La technologie s’adapte aux personnes et processus

Personnes :

  • Les cadres accompagnent et forment les nouveaux cadres 
  • Les collaborateurs et équipes sont formées pour êtres autonomes 
  • Chaque maillon de la chaîne de valeur collabore avec les maillons adjacents (y compris les fournisseurs en amont, et les clients en aval)

Résolution des Problèmes :

  • Approche scientifique, observation, apprentissage par itération 
  • Alignement sur les objectifs 
  • Vision et stratégie forte, progression itérative à grande et petite échelle